"I Wasted my Young Years"

Dans la salle commune de la maison Poufsouffle, un doux air d'arpège montait dans l'air. Des rayons de soleils matinaux jouaient entre les rideaux, éclairant la poussière qui volait paresseusement dans l'air. Un filet de lumière partant d'une fenêtre tombait sur le pelage blond d'un grand chien endormi dans un fauteuil. Le labrador Camus se laissait bercé par les notes de la guitare de son jeune maître Enlil. Assis par terre au milieu de parchemins couverts de notes, le garçon faisait danser ses doigts sur le manche, les yeux à demi fermés, laissant voguer son esprit.

A l'autre bout de la pièce, les jumeaux Ancalimë discutaient, étendus dans des fauteuils. Lilium, tout juste revenue de son voyage, était sortie aussitôt après son retour pour retrouver Poudlard, et à nouveau sentir l'atmosphère du château. Avisant Taniel et Idril, le jeune Yaréar se demanda s'ils allaient partir pour Pré-au-Lard. Le week-end s'achevait bientôt, il ne fallait pas traîner. S'il avait eu la force, Enlil se serait levé et aurait proposer d'y aller ensemble. Mais il était bien incapable d'aller en sortie, ni même de se lever, et encore moins de leur parler.

Quand Lilium était revenu, elle avait trouvé son ami métamorphosé. Elle, elle avait gardé son sourire et sa bonne humeur, son dynamisme. Enlil, déjà pâle, était devenu blafard. De mince, il était à présent maigre. Ses yeux gris-bleus avaient perdu toute ressemblance avec ceux d'Abel, et portaient à présent l'ombre de la douleur. Ce regard aurait pu devenir celui de quelqu'un qui a grandit trop vite, cet éclat triste que l'on pouvait trouver, en faisant attention (et Enlil y avait fait attention), dans les yeux d'Alistair, de Wisteria, ou même de Claria d'Aragon. Mais lui, Enlil, n'avait pas eu la force de convertir, de grandir. « Ce qui ne tue pas rend plus fort ». Absurde. Il est des blessures qui ne cicatrisent pas. Un peu comme la morsure d'Abel au bras.

Enlil en vint à jouer quelques notes de Wish You Were Here, morceau de Pink Floyd. Alors, de manière inattendue, des larmes fleurirent dans ses yeux. Elles coulèrent, inexplicables et calmes, silencieuses. Wish You Were Here.... Oui, Enlil comprenait à présent. Nul ne peut vivre sans amour. Cette phrase reprise à tout bout de champs dans les romans, les films, les musiques, était bien risible; mais Enlil sentait, au plus profond de sa solitude, le besoin d'être avec Lui. Avec Thaumas.

Finalement Thaumas était devenu un nom bien abstrait. Il n'avait de lui qu'une photo, un nom, des yeux bleus, un sourire... Assez pour faire naître l'amour, pas assez pour le faire vivre. Un amour mort-né.

Dans la salle commune de la maison Poufsouffle, un doux air d'arpège mourut au silence. Les dernières notes s'envolèrent dans les airs.
Nous sommes bien peu de choses.

HRP: