[terminé] La lumière filtre même à travers les bois les plus sombres [Héra & Abel]

L'atmosphère lourde du château était palpable. Les examens, proches, faisait planer une ombre sur l'été approchant. Le professeur Yaréar n'échappait pas à la règle, et de manière inexplicable pour un homme qui n'avait pas connu le système scolaire ordinaire et jalonné d'examens, il avait quelques poussées de stress en pensant à ses étudiants.

Alors comme ses élèves, il avait ses moyens de détente, de fuite. Là où certains avaient la musique, le dessin, la lecture, le sport, lui avait la promenade. Marcher lui permettait de changer ses pensées en même temps que de paysage. Et s'il y avait bien une destination qui attisait sa curiosité, c'était bien la Forêt Interdite. Depuis qu'on lui avait dit que des centaures y résidait, Abel, qui avait été très proche dans sa jeunesse d'un d'entre eux, n'en pouvait plus d'attendre de les connaître.

Mais il devait suivre la mise en garde de Claria, et ne pas entrer seul dans le bois. Il avait réfléchi à qui pourrait le suivre, qui avait assez de temps et assez de courage. Héra Kolensberg, bien sûr. La doyenne avait connu des situations extrêmes, et Abel ne doutait pas que ses réflexes fussent encore bons.

Il trouva la concierge en train de discuter avec un fantôme dans le Hall d'entrée. Le professeur attendit patiemment qu'elle eût fini sa conversation, avant de s'approcher.

-Bonjour Madame! Comment vous portez-vous? Dites, je souhaiterais pénétrer la Forêt Interdite aujourd'hui, et trouver les centaures. Serait-il dans votre goût de m'accompagner? Si vous n'avez rien d'urgent à faire bien sûr... »

Héra avait passé une matinée fort agréable. Comme à son habitude, elle s'était levée tôt pour faire une première ronde, pour vérifier que tout allait bien. Ces rondes étaient devenues de plus en plus rapides à mesure que la concierge découvrait les passages secrets qui l'aidaient à se déplacer rapidement d'une extrémité à l'autre du château.

Elle se tenait à présent au milieu du hall d'entrée, tâchant de rester éveillée au discours que lui tenait Nick-Quasi-Sans-Tête. Le fantôme, bien qu'Héra l'apprécie beaucoup, était parfois, il faut l'avouer, un peu barbant.

"Vous comprenez, j'organise ces réunions pour faire changer nos vies! Enfin, enfin, disons notre existence... Nous sommes morts, mais nous avons encore des droits, des fonctions. Alors quand je vois ce que le Baron Sanglant fait pour dynamiter nos projet, je comprends que le ministère refuse de faire passer notre droit d'entreprise..."

Soudain le professeur Yaréar arriva. Il semblait vouloir parler à la concierge, puisqu'il se tenait poliment en retrait en attendant la fin du monologue de Nick. Logorrhée qu'Héra n'était pas prête à endurer jusqu'au bout.

-Excusez-moi, Sir Nicholas, je serais ravie de vous aider, mais... Je dois y aller. Le quotidien des vivants, vous savez... Renvoyez un hibou au Département des minorités ethniques, et je parlerai au Baron.

Enfin débarrassée de la mauvaise humeur du spectre, Héra se tourna vers le jeune homme, qui lui proposa un tour dans la Forêt Interdite. Se souvenant de la conversation aux Trois Balais avec leurs deux autres collègues, Héra se réjouit d'entrer dans ce lieu si mystérieux. Elle accepta et les deux collègues sortirent dans le parc et se dirigèrent droit vers la forêt sombre.

Marchant d'un pas vif, les deux collègues atteignirent bientôt la lisière de la forêt et la fraicheur de l'ombre. Abel avait renoncé à l'effet "film moldu" d'entrer dans la forêt à la nuit tombée pour une option plus rationnelle : le plein jour. Mais la canopée était si dense au-dessus de leur tête qu'il leur semblait que le soir arrivait déjà.

Héra sortit sa baguette, imitée par Abel qui se tenait assez près de sa protectrice. Non qu'il fût peureux, mais il n'était plus familier de ce genre d'excursion depuis une dizaine d'année environ, quand il avait quitté l'école buissonnière pour l'institut d'astronomie, les contrées sauvages à la recherche de bestioles variées pour l'étude des étoiles, confortablement installé à un bureau.

Ils s'enfoncèrent plus profondément entre les troncs de plus en plus énormes. Ni l'un ni l'autre ni savait précisément où aller, mais Abel se disait que les centaures les trouveraient de toute manière. Il appréhendait un peu la rencontre; il savait que les centaures étaient des êtres très fiers, et qu'il faudrait faire preuve de diplomatie. Mais le jeu en valait la chandelle, assurément. S'il parvenait à établir un lien avec eux, le professeur pouvait voir ses études progresser à grands pas.

Plongé dans ses réflexions astronomiques, Abel gardait le silence. Mrs Kolensberg, vigilante, suivait son exemple, foulant à pas feutrés le sol épineux et sombre.

Héra frémit, la température ayant baissé depuis qu'ils s'enfonçaient dans la forêt plus profondément. Elle avait sorti sa baguette, se préparant à tout problème. Elle savait que les centaures pouvaient se montrer méfiants voire hostiles, et de plus ils n'étaient pas les seuls créatures vivant dans la forêt.

« Comment allons nous les trouver? » demanda Héra d'un ton qui n'était pas particulièrement inquiet. La vieille femme marchait d'un pas assuré, imperturbable et fermée à toute peur. C'était normal, vu son passé de combattante, ses nombreuses expériences de front. Mais Abel, lui, était encore jeune, et n'importe quel jeune professeur aurait marqué une légère appréhension en entrant dans un endroit si peu familier. Or lui semblait assez à l'aise. Peut-être était-ce justement parce qu'il n'était pas non familier...

« Professeur? Je peux vous poser une question? Vous ne semblez pas effrayé... Je trouve cela curieux. Êtes-vous déjà entré dans la forêt auparavant? »

A présent les branchages se faisaient vraiment denses, et l'obscurité s'installait. Héra alluma sa baguette, s'arrêta un instant pour reprendre son souffle (sans pour autant montrer à M. Yaréar qu'elle était fatiguée, elle avait une réputation à défendre!), et elle braqua son faisceau de lumière sur le professeur. Elle l'avait déjà trouvé beau (toute proportion gardée, vu la différence d'âge), mais ainsi avec les jeux d'ombre et de lumière sur son visage, il était auréolé d'un mystère équivoque.

« Je pense qu'ils nous trouverons avant qu'on ne perde trop de temps à les chercher. Marchons encore un peu. Ils sont peut-être déjà là, à nous observer... »

Abel ne pu s'empêcher de frémir à cette idée. La peut s'instillait peu à peu, empoisonnant son enthousiasme et son impatience. Mais celles-ci étaient encore assez fortes pour le préserver et lui donner la force d'avancer quoi qu'il arrive. Quand Mrs Kolensberg s'arrêta, Abel fit de même, guettant le souffle court de la vieille concierge qui cependant restait solidement plantée sur ses jambes.

Devant sa question, il eut un sourire évasif.

« En effet, je connais ce type d'endroit. Il fut un temps où... disons, j'arpentais les contrées sauvages d'Australie. J'étais encore tout gamin, j'étais effrayé par ces voyages solitaires. Et puis on finit par s'habituer à être seul, on s'habitue à la peur, et on apprend à vivre avec. Non à la rejeter, ce serait stupide, mais à l'accepter comme part de soi. »

Le professeur regarda Héra droit dans les yeux.

« Vous devez savoir ça, vous aussi... On a tous des vies mouvementées, ça ne sert à rien de perdre du temps à jouer à la surenchère de qui a le plus souffert. J'ai plus de respect pour votre passé que pour le mien. »

Il se surprenait à être aussi loquace. Peut-être était-ce parce qu'il savait qu'il pouvait faire confiance à la vieille femme. Il allait ouvrir la bouche pour continuer, mais il en fut détourner par un craquement à sa gauche. En dirigeant leur deux baguettes, Abel et Héra virent se profiler la silhouette immense d'un homme au torse musculeux, et dont les hanches donnaient naissance à quatre pattes d'un pelage brun foncé. Les sabots frappait la terre avec le même agacement qu'ils perçurent dans la voix du centaure.

« J'ignore qui vous êtes et ce que vous voulez, mais il est dans votre intérêt de me suivre, sorciers ».

HRP:

Le professeur parla un moment de sa jeunesse, qui n'avait pas dû être simple. Être seul, à voyager ainsi alors que la place d'un enfant était à l'école... C'était à se demander comment M. Yaréar en était venu à être professeur.

Puis il vint à parler du passé de la concierge elle-même. Celle-ci ne s'étonna pas, Mme la directrice avait dû informer tout le corps enseignant de sa vie en tant que médicomage et auror. Elle ne put qu'approuver les mots d'Abel, elle-même étant assez taciturne et renfermée, elle n'aimait parler d'elle, de ce qu'elle avait de bien ou de mal. Chacun son passé : l'essentiel est de rendre meilleur ce qui nous est commun.

Ils furent soudain interrompus par l'arrivée d'un immense centaure, qui leur parla avec une voix grave et menaçante. A la fois méfiante et heureuse d'avoir trouvé ceux qu'ils cherchaient, Héra ouvrit la marche pour suivre l'homme cheval. Il les mena dans un sentier, toujours sans prononcer un mot. Au bout d'un moment, ils débouchèrent sur une clairière assez éclairée, peuplée de centaures qui soudain quittèrent leurs occupations ordinaires pour se précipiter vers les nouveaux venus.

« Qu'est-ce que cela, Jerran ? Que font ces humains ici ? » Un centaure encore plus grand que le dénommé Jerran s'approcha. Sa voix couvrait les hennissements colériques de ses semblables. Il avait les yeux verts, les cheveux blonds, longs et bouclés.

« Nous sommes venus vous parler dans un esprit de paix » , intervint Héra. Le grand centaure baissa sur elle un regard surpris, étonné de constater la vieillesse et l'apparente faiblesse de la femme. « Le professeur Yaréar étudie l'Astronomie, il souhaiterait engager avec vous une collaboration afin de faire avancer les connaissances de nos deux peuples.»

Ces derniers mots ne parurent pas du goût du chef, qui agita la tête avec agacement. Héra jeta un regard à Abel, cherchant de l'aide.


(couleur du centaure : #993366)

Heureusement, Héra avait été assez courageuse pour emboîter le pas du centaure, forçant Abel à la suivre. Si ça n'avait tenu qu'à lui, le jeune homme aurait sûrement pris ses jambes à son cou. C'est que le centaure faisait bien un mètre de plus que lui, comme les autres, comme il le constata en entrant dans la clairière où était rassemblé le groupe. Abel se sentait minuscule et faible au milieu de ces hautes silhouettes, d'autant plus que les centaures ne paraissaient pas enchantés de l'arrivée des sorciers.

Un immense centaure, sûrement le chef, s'approcha pour demander des explications. Héra, toujours aussi courageuse, présenta les raisons de leur venue. Mais Abel savait que les centaures avaient une aversion traditionnelle pour les sorciers. Il prit à son tour la parole.

« Je sais que vous pouvez trouver cela présomptueux de notre part. Mais contre l'idée d'une supériorité d'une espèce, je préfère celle de domaines différents. Nous n'avons pas le même regard, et il serait dommage de ne pas partager à cause d'une vulgaire question d'orgueil. Je sais que vous êtes au-dessus de ça. »

L'ambiance restait lourde, néanmoins les sorciers avaient l'impression d'avoir échappé au pire. Abel décida de jouer sa carte maîtresse.

« J'ai moi-même acquis une partie de mes connaissances auprès d'un des vôtres. Teziel est un centaure qui vit avec le troupeau d'Australie de l'Est. Nous avons lié amitié » (quelques renâclements sceptiques accueillirent l'affirmation) « J'ai appris l'Astronomie à ses côtés. Je sais lire la course des planètes, les angles des constellations, l'éclat des astres. Je comprends les étoiles et le vide qui les unit, je lis le noir. »

« Prouve-nous que tu ne nous mens pas, sorcier ».

Abel leva les yeux vers les étoiles, et le silence se fit dans la clairière.

« Mars occupe la place que Jupiter avait il y a deux jours. Entre les deux planètes se tient maintenant la constellation des Gémeaux, que vous appelez Hendiadyn, et... attendez... »

Abel se pencha pour toucher la terre, il l'effrita entre ses doigts et l'approcha de son nez. Ensuite il saisit des herbes, et les consuma avec le bout incandescent de sa baguette ; de faibles lueurs rougeoyantes laissèrent place à une fumée épaisse. Puis, alors que l'herbe brûlait toujours le professeur la posa sur son avant bras gauche. Il ne cilla même pas en sentant sa peau fondre et dégagea les cendres d'un revers de main.

« Quelque chose semble venir de celui qui a le pouvoir. Un homme, une organisation, une institution, ou encore un dieu, le hasard, ou nous-même, difficile à dire. Les Gémeaux supposent un conflit entre deux forces auparavant liées. Deux frères s'entre-déchirent, Remus et Romulus, Polynice et Etéocle, Abel et Caïn. Le ciel est anormalement clair vu les conditions climatiques, l'herbe n'est pas assez sèche, la terre trop riche... La menace est proche ».

Un silence accueillit les paroles du professeur. Héra revenait difficilement de ses émotions. Le professeur Yaréar était parvenu à calmer le jeu, et même à convaincre les centaures, manifestement. Ainsi le jeune homme avait connu un centaure... Cette rencontre était peut-être liée à son enfance de voyageur, quand il partait seul à l'aventure sur les terres australiennes ?

Avec un étonnement croissant, elle écouta le professeur, puis elle devint tout à fait sidérée de voir l'homme se pencher, renifler la terre, griller des herbes et se cramer la peau. Encore une élucubration du jeune homme ? Apparemment pas : il reprit la parole pour annoncer une bien sombre menace.

Les centaures semblaient aussi surpris qu'elle devant la connaissance manifeste du sorcier. Après un long moment sans parler, celui qui les avait trouvé, le dénommé Jerran, prit la parole.

" Nous avons en effet vu les mêmes choses " dit-il dans un soupir, et Héra perçu un voile de tristesse passant dans son regard clair. "Sauf que nous l'avons vu avant, bien sûr. Mars est peu brillante, ce qui peut annoncer une absence de conflit sanglant... Mais nous savons tous ici que les blessures du corps ne sont pas toujours les plus violentes et les plus destructrices... "

" Vous citez Dumbledore là " risqua Héra.
"Vous voyez que les sorciers ne sont pas si mal !"

Jerran vrilla son regard sur le sien, mais la concierge ne cilla pas.

"Albus Dumbledore était un grand sorcier. Même nous nous ne pouvons l'ignorer.
Vous nous avez convaincu, sorcier. Vous connaissez notre science, et gageons que vous connaissez la vôtre. Nous devons discuter entre nous, nous rassembler. Contrairement à vous, nous ne déléguons pas tout le pouvoir de décision dans un seul homme. Revenez à nous plus tard, et nous verrons ce que nous pouvons tirer de nos échanges..."

Héra se réjouit de leur victoire, et adressa un sourire à Abel. Le jeune homme était décidément plein de ressources, il connaissait son affaire, pour sûr. La concierge regrettait un peu de n'avoir pu être d'un grand secours...

Avec un soupir de soulagement, Abel vit que les centaures étaient convaincus. Une partie de son cerveau restait branché sur cette menace de conflit, entre deux forces qui jadis marchaient main dans la main... Et le protagoniste, le Jupiter de l'histoire, était un homme de pouvoir...

Il avait été amusé de la remarque d'Héra, qu'il trouva fort à propos. Ainsi les centaures avaient dû eux-mêmes avouer que, qu'ils le veuillent ou non, ils avaient un lien avec les sorciers.

Les deux collègues prirent congé et retournèrent sur leurs pas. Ils marchèrent en silence, appréciant leur victoire. Perdu dans ses pensées, le jeune professeur ne vit pas la forme s'approcher entre les arbres, louvoyant vers eux. Il n’aperçut que trop tard la haute silhouette encapuchonnée qui glissa juste devant lui. Sans même avoir le temps de lever sa baguette, Abel entendit un long râle, et sentit son corps et son esprit se geler. Le détraqueur s'approchait, continuant à aspirer tout ce dont Abel était fait : espoirs, souvenirs, rêves, désirs, émotions... Quand on enlevait tout cela d'Abel, il ne restait rien, qu'une coquille vide.

Le détraqueur s'approchait encore, il n'était plus qu'à quelques dizaines de centimètres de lui...

Depuis un certain temps déjà, Héra se sentait mal à l'aise, suivie, observée... Mais heureuse d'avoir mené à bien sa mission, elle mit un certain temps à sentir que la température chutait. Enfin elle se rendit compte que l'atmosphère avait changé, que le froid s'insinuait en elle alors qu'ils marchaient vers la lisière et que le soleil perçait à nouveau entre les arbres.

Et enfin elle le vit. Le détraqueur, glissant vers eux à toute vitesse entre les troncs. Elle serra sa baguette, tandis que M. Yaréar avançait toujours sans se rendre compte de rien. Elle n'eut pas le temps de l'avertir, que le détraqueur était déjà sur eux. Abel ne put rien faire, et la créature commença à respirer toute la chaleur et le bonheur qu'il trouvait.

Héra sentit un étau de froid se fermer sur elle... Mais elle luta. Yaréar avait besoin d'elle. Il était temps pour elle de jouer son rôle favori : garde du corps. Elle leva sa baguette et cria : " Spero Patronum ! ".

Aussitôt un grand caribou argenté apparu, et s'élança sur le détraqueur et le frappa de ses cornes. Le détraqueur fila sans demander son reste, tandis que le patronus se lançait à sa poursuite avant de disparaître. Héra s'avança vers le professeur, tombé au sol, qui reprenait peu à peu ses esprits.

Froid. Tout était froid. Vide, néant, trou noir. Si on s’intéressait aux pensées qui traversaient l'esprit d'Abel Yaréar (chose d'une exquise drôlerie en temps ordinaires) en ce moment où il gisait au sol, on n'entendrait qu'un faible gémissement d'agonie.

Ma faute... Enlil, papa, maman, Elton, tout ma faute je n'ai jamais essayé de les retrouver ni le remercier jamais assez rien n'est jamais assez jamais assez présent assez d'amour assez d'âme dans mon monde je suis enfermé dans mon image j'ai l'air comme ça mais je cache comme tout le monde si Thaumas me voyait à ce stade il vaut mieux en finir le vif d'or s'est enfuit loin l'espoir perdu comme on perd de vue un phare ou les étoiles pour un astronome ça la fout mal mais can't you see I'm sick of fighting qui disait ça déjà I won't last another day through this wonder land je ne suis pas Alice moi ni même le chapelier fou pourtant j'essaye mais je n'ai pas de chapeau

Soudain une pression sur son épaule ramena son esprit dans son corps étendu sur un tapis d'aiguille de pin. Là-haut le vent berçait les branches. Deux pierres volaient au-dessus de lui. Ah non, pas des pierres, des yeux. Gris d'acier. Ah, c'est vous, Hudders. Komelair, Koltenbrum, Kolenbaum...

Kolensberg. Héra Kolensberg. Son ange gardien.
« Désolé » fit-il en tentant de se lever. La vieille concierge fit preuve d'une force remarquable pour l'aider. Les jambes flageolantes, le sang battant dans ses tempes, l'esprit encore embué (la rappe à fromage s'absente mais bon n'anticipons pas c'est la faim de la fin), Abel s'accrocha à Héra comme à une bouée de sauvetage. Ils s'avancèrent vers le château, et si Abel était capable de formuler un constat raisonnable, il penserait sûrement comme moi qu'un séjour à l'infirmerie lui ferai le plus grand bien.

Héra était sidérée d'avoir à récupérer le jeune professeur à la petite cuillère. La rencontre avec le détraqueur l'avait beaucoup plus affecté qu'elle. Il avait l’œil hagard, vitreux, comme s'il ne la reconnaissait pas. Utilisant sa vigueur habituelle, elle le tira vers le haut pour le relever. Elle ne le lâcha pas pour l'aider à marcher, et ils poursuivirent leur route vers le château. Vu l'état de Yaréar, Héra avait la ferme intention de l'emmener voir Mme d'Aragon ou l'infirmière.

Alors qu'ils marchaient dans un silence uniquement rompu par le souffle court d'Abel, Héra se posait de nombreuses questions. Qu'est-ce qu'un détraqueur était venu faire ici, dans l'enceinte même de Poudlard ? Que cherchait-il ? Est-il seul, va-t-il revenir ? Autant de questions qui menaient à un seul responsable : le Ministère de la Magie. C'est lui qui était chargé de gérer les détraqueurs, de contrôler leurs déplacements, de les garder à Azkaban.

Ils escaladèrent les marches du château, et Héra guida son collègue à l'infirmerie. Il s'écroula dans un lit, et la concierge eut une pointe d'inquiétude à le voir si amorphe, lui qui était si vivant et joyeux. Elle, n'avait eu aucune séquelle. Son passé, son tempérament, tout cela constituait une sorte d'immunité contre le désespoir. Elle y était habituée.

Aussitôt elle prit le chemin du bureau de la directrice, décidée à raconter tout les détails de leur escapade à Mme D'Aragon.