[Terminé]Rendez-vous avec Poudlard [PV Claria D'Aragon]

Abel Elohim Yaréar se tenait devant la gargouille gardant l'entrée du bureau de la Directrice. Et il commençait à s'échauffer sérieusement.
-Alors ce Mot de Passe, tu vas pas me le dire, hein?! Non mais vraiment, ai-je l'air d'un terroriste? Tu crois que je vais faire un attentat dans le bureau??"
Il pestait en vain, la pierre ne bougerait pas. Et personne aux alentours. Bien sûr, il s'était arrangé pour arriver à une heure où élèves et professeurs étaient en cours, histoire de pas trop attirer l'attention.

Aujourd'hui était la première fois qu'il mettait les pieds dans le château légendaire. Malgré ses lectures de l'Histoire de Poudlard et les nombreuses lettres dans lesquelles son cousin Enlil lui racontait tout sur le lieu, le jeune professeur d'Astronomie était soufflé de tant de grandeur. Depuis son entrée par la grille gardée de sangliers ailés jusqu'à cette gargouille, le Château resplendissait dans son écrin de neige et de lumière.
 Abel était arrivé à un village voisin deux jours auparavant, où il s'était remis de son voyage (transplanage de Queenstone jusqu'à Londres, avec deux étapes par Bombay et Le Caire, ce qui n'avait pas empêché le choc du décalage horaire et du changement de saison). Il avait envoyé un autre hibou à Mrs D'Aragon, avec qui il était en contact depuis quelques semaines -depuis qu'il avait présenté sa candidature. Elle lui avait alors proposé un entretien, et c'est ainsi que Mr Abel Yaréar s'était retrouvé dans le couloir, devant la gargouille, avec pour tout bagage un sac de sport (auquel il avait jeté un sortilège d'extension, cela s'entend).

Il regarda sa montre à gousset, consulta les douze planètes qui gravitaient sur le cadran, et commença à craindre d'être en retard s'il ne trouvait pas rapidement une solution. Non pas qu'il soit angoissé par l'entretien, il était d'un naturel confiant. Mais enfin il aimerait avoir ce poste. Il avait tout quitté en Australie pour venir ici, pour plusieurs raisons. Quitter son école australienne, ses collègues et ses élèves, quitter Maria, quitter les étoiles du Sud.

L'homme regarda autours de lui. Rien que la pierre des couloirs, et la neige qui tombait derrière les fenêtres. Il s'apprêtait à sortir de sa poche un parchemin et une plume pour écrire un mot d'excuse à la Directrice, expliquant qu'il n'avait pas pu passer son gardien de pierre. Alors qu'il fouillait dans sa veste, soudain il entendit un bruit derrière la statue, qui s'écarta, dévoilant une jeune femme qui lui tendit la main en l'accueillant avec un sourire.

-Oui, j'ai lu dans la Gazette que Mlle Who vous avait quitté, cela est bien fâcheux, clairement...
Abel s'aperçut que la directrice avait toujours un bras en suspend, attendant qu'il choisisse entre thé et café. Il s'empressa d'ajouter :
-Café. Euh non thé, pardon. » S'il devait vivre en Angleterre, autant se faire aux coutumes dès maintenant. Il prit la tasse que lui tendait Mrs D'Aragon, et vit le regard de la jeune femme s'attarder sur le bandage qui couvrait son avant-bras. Il ramena sa manche sur sa vieille blessure, et se promit d'en parler à la directrice.
Il réfléchit avant de poursuivre.

-Hum, je dois vous avouer que je n'ai même pas pensé au favoritisme... Enlil est ma seule famille, nous sommes tout les deux liés par une relation plus forte que celle de simples cousins. Il est un peu mon frère, même mon fils. Le fait de l'avoir élevé me donne une certaine autorité sur lui, qui fait que nous séparons clairement la vie quotidienne et l'apprentissage de la magie. Ce sera peut-être dur de ne pas le favoriser, et je comprends que cela vous occupe; les autres élèves ne doivent en aucun cas sentir que notre lien s'étend au-delà de notre nom commun. Je ferai de mon mieux pour l'expliquer à Enlil, il est encore si jeune...

Il avait dit ces derniers mots avec un air soucieux, presque triste, le faisant paraître à un père préoccupé. La directrice eu un léger sourire compréhensif. A-t-elle des enfants? se demanda Abel. Un mari? Peut-être l'homme que j'ai croisé en arrivant, ce Mr Bishop? Non, la directrice venait juste de dire « Mr. Bishop, mon adjoint »...  Et puis ils n'ont pas le même nom, or Mrs d'Aragon est mariée...

Aie. Encore ce nom. Depuis qu'il l'avait vu dans la Gazette du Sorcier pour offrir le poste, le nom de D'Aragon avait tourné dans la tête de l'homme, persuadé de l'avoir déjà rencontré quelque part. Mais où? Quand? A chaque fois qu'il tentait de fouiller sa mémoire, des ébauches de sensations naissaient et fuyaient comme des nuages, hauts et inaccessibles.

-Je ferai de mon mieux, promit Abel en regardant la jeune femme droit dans les yeux. En fait, je tiens à être honnête avec vous, ajouta-t-il.
Je n'ai pas reçu l'éducation que l'on attendrait pour un professeur. Je n'ai ni BUSE ni ASPIC, mes premiers pas dans une école furent ceux de l'enseignement. J'ai tout appris des livres et des connaissances de mon « maître », Elton O'Sahen, qui est fabricant de baguette et est l'un des plus grands intellectuels d'Australie. Je comprends que cela puisse poser des questions, mais j'ajoute que j'enseigne depuis quatre ans déjà. Je vous demande de faire confiance à mon savoir...

Voilà, c'était dit. Abel avait beaucoup hésité à jouer la carte de la franchise, et finalement avait opté pour ne rien cacher à Mrs D'Aragon. A présent il guettait avec anxiété la réaction de la directrice. Il bu un peu de thé, et attendit.

Lorsque Claria avait reçu la candidature de Mr Yarear, elle s'était aussitôt, comme à chaque fois, empressée d'en savoir plus sur cette personne. C'était une manière d'être sûre qu'elle ne laissait pas entrer n'importe qui à Poudlard: même si les mages noirs avaient disparus, certains sorciers avaient encore des idées bien tranchées sur certains sujets, et parfois, la jeune directrice se disait qu'une révolte pourrait éclater, suivie de l'avènement d'une nouvelle ère, beaucoup plus sombre. D'un point de vue économique, tout n'était pas rose en Europe, et cette montée du chômage radicalisait les esprit, qui se cherchaient des boucs émissaires...
Pour en revenir au jeune homme qui se tenait devant lui, Claria n'avait pas pu retracer tout son parcours, car il n'avait pas, en effet, été inscrit dans une école de sorcellerie lorsqu'il était enfant. Elle avait donc accepté de le rencontrer uniquement grâce au fait qu'il était professeur en Australie, et que l'école J.R.R Tolkien bénéficiait d'une bonne réputation. Elle fut donc assez satisfaite de voir qu'il racontait de lui même son passé. Elle n'aurait pas à lui poser la question, situation pouvant être embarrassante...
Elle bu quelques gorgées de son thé, qu'elle s'était fait après avoir servi le candidat, avant de répondre:

"Si le directeur de l'école de sorcellerie d'Australie vous a fait confiance, je ne vois pas pourquoi vous n'auriez pas la mienne."

Claria espérait tout de même que le départ d'Australie du jeune homme ne mettrait pas l'école Tolkien dans une situation délicate. Elle était assez bien placée pour savoir qu'un départ d'un professeur pouvait être difficile à vivre, et à compenser, surtout en cours d'année...Si Mrs Who était partie pour enseigner dans une autre école, Claria l'aurait peut-être aussi mal prit que devant son départ inexpliqué.

"Je ne vois pas grand chose d'autre à ajouter, ne pouvant tester vos connaissances et vos aptitudes à cet instant. Je vais donc vous donner le poste pour un mois. Pendant ce mois, vous serez évalué régulièrement, soit par moi soit par Mr Bishop, nous assisterons même à au moins un de vos cours, pour voir votre méthode et le programme que vous mettrez en place. Dans un mois, nous referons une mise au point dans ce bureau, afin de vous titulariser si tout se passe bien. Avez-vous des questions? Si vos voulez en savoir plus sur le fonctionnement de l'école ou autre, n'hésitez pas."

-Fantaz'!!!

A l'annonce de Mrs D'Aragon lui proposant un essai d'un mois, Abel n'avait pu retenir cette expression de joie, interjection typiquement australienne et « yarearienne », qu'il avait l'habitude d'utiliser avec le jeune Enlil. La directrice leva un sourcil surpris.

-Je veux dire, c'est très réjouissant, clairement. Merci beaucoup, je ferai de mon mieux. J'ai hâte de donner mon premier cours!! Je pensais justement commencer par une étude globale du ciel d'Angleterre, ce qui est passionnant dans la mesure où...

Il s'interrompit; à chaque fois que l'on parlait d'astronomie, il s'emballait et laissait éclater son enthousiasme pour cette étude. Au risque d'ennuyer son interlocuteur... (il ignorait alors que Mrs D'Aragon elle-même avait déjà assuré un cours d'Astronomie, donc était tout aussi intéressée).

" Avez-vous des questions? Si vos voulez en savoir plus sur le fonctionnement de l'école ou autre, n'hésitez pas."

Instant de réflexion. Non, pas de question. Pas pour l'instant. Mrs D'Aragon lui indiqua la localisation de la tour d'Astronomie et de son bureau de professeur grâce à une étrange carte de vieux parchemin sur laquelle des points bougeaient, portant le nom des habitants du château. Bien, septième étage. Une tour pour lui tout seul. Quelle hâte d'investir les lieux!

Hop, debout; merci, au revoir. Stop. Un instant. Une pensée lui vient à l'esprit. Il se rassoit.

-Hum, vous êtes mariée?

Devant l'air plus qu'étonné, presque choqué, de la jeune femme, Abel s'empressa d'ajouter pour clarifier son propos :

-Je veux dire... Votre nom me parle, je suis presque sûr de l'avoir déjà vu. Dans un journal, peut-être... Pourtant votre prénom m'est inconnu, donc je pense peut être à un mari, un oncle, une sœur, un fils, une cousine... Qui porterait le même nom que vous. Et qui a fait quelque chose d'assez important pour qu'on en parle dans la Gazette ou un truc du genre...

Le visage de Claria D'Aragon devint blême, ses yeux fixes. Plus de chaleur dans le regard tout à l'heure si amical.
Abel regretta aussitôt sa question.